Le trajet de la filière
Dès l’aube, munis de fausses cartes d’identité, les jeunes, souvent deux par deux, quittent Le château de la Hille à Montégut-Plantaurel et se rendent à pied à St Jean de Verges (13 km). Ils rejoignent ensuite Toulouse par le car, puis prennent le train pour Lyon. Une halte est possible à la colonie de Montluel. L’étape se fait de nouveau en train de Lyon à Lons-le-Saunier, un autocar permet de rejoindre ensuite Champagnole. Au 18 bis rue de Sauget se trouve l’appartement modeste de Victoria et Madeleine Cordier. De là chacun prend un billet de tram pour Foncine le bas.
La traversée du Mont Noir jusqu’à Chapelle-des-bois se fait à pied (3 heures de marche). Puis de nuit il faut encore traverser la zone interdite pour arriver à la maison de « Sous le Risoux(d) ». La montée du Risoux(d) est raide et après environ 30 minutes de marche c’est le Gy de l’échelle. La frontière est juste en haut en pleine forêt. À 20 minutes de là se trouve l’Hôtel d’Italie. Certains passages feront halte dans la maison du Campe.
Tous les passages des neufs jeunes venant d’Ariège ont réussi.
Le château de Montluel se trouve à environ vingt-cinq kilomètres de Lyon. De 1942 à 1945 la propriété est louée à la Croix-Rouge suisse. On y accueille des républicains espagnols réfugiés dans les camps du sud de la France. Fin 1942, y arriveront dix enfants juifs. Cette colonie d’enfants est considérée comme territoire suisse ; les Allemands n’ont jamais pu y pénétrer. Ainsi la colonie de Montluel constitue une étape sûre pour Anne-marie Piguet et ses protégés.
« Sous le Risoux(d) » c’est la maison de la famille Cordier où l’on passe la dernière nuit en France avant le départ à l’aube pour le Risoux(d) – entre deux passages de la patrouille allemande.
Le Gy de l’échelle est un passage secret dans la roche d’une vingtaine de mètres. On s’accroche aux racines et aux pierres qu’il ne faut pas faire dérocher à cause du bruit. Le passage y est particulièrement dangereux l’hiver.
L’Hôtel d’Italie, en réalité une cabane, est appelé ainsi parce que les bûcherons travaillant dans le Risoux(d) ont longtemps été des Italiens : ils y séjournaient la semaine. Durant la guerre, l’Hôtel d’Italie est la première halte sur Suisse, arriver là est un immense soulagement mais ce n’est pas encore la sécurité puisque, si près de la frontière, les clandestins risquent d’être refoulés. Mais c’est là, que le plus souvent, les amis suisses venaient prendre le relais des passages emmenant les réfugiés en lieu sûr.
La maison du « Campe » est une maison amie de la vallée de Joux, elle est ouverte à Victoria et à ceux qu’elle passe, de jour comme de nuit, avec une générosité rare.